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Fondation Santé des Étudiants de France

Le surmenage des étudiants

“Les études de médecine, on y pense tout le temps ! s’exclame Emma, 18 ans, en PACES (première année commune des études de santé) à Tours. Même dans la rue, quand on tombe sur le nom d’une molécule ou d’une maladie, on voit nos cours qui défilent dans notre tête pour la situer !”

Sous pression, les étudiants ? Oui, et de plus en plus. “La modification radicale des conditions d’embauche ces dernières années a mis une pression énorme sur les étudiants”, confirme le Dr Monchablon, psychiatre, qui voit défiler chaque année de nombreux jeunes en décrochage scolaire ou universitaire dans le Relais étudiants lycéens du XIIIe arrondissement parisien. “Dès l’année de terminale, un élève ambitieux va chercher à se démarquer de ses futurs concurrents en ayant bien en tête qu’il faut avoir plusieurs cordes à son arc. Il choisira de s’orienter vers une double licence ou un parcours à l’international, ou bien il s’engagera en parallèle de ses études dans des expériences humanitaires ou professionnelles.”

"En première année, il y a eu 5 dépressions nerveuses !”

Résultat ? Vous êtes nombreux à être débordés par la quantité de travail demandée par vos professeurs de fac ou de prépa, à laquelle vous n’étiez pas forcément préparés. “Certains élèves sont sidérés devant la quantité de travail personnel qu’on leur demande dans telle ou telle filière. Ceux-là sont rapidement en échec, ils abandonnent dès les premiers mauvais résultats”, confie le médecin.

Marion, 22 ans, étudiante en master 2 de droit à Panthéon-Assas, à Paris, se souvient de sa première année de double licence : “Nous étions une trentaine, et il y a eu 5 dépressions nerveuses ! Les élèves ont quitté le cursus dans les trois premières semaines. C’est comme en prépa, en général, les deux premiers mois écrèment ceux qui sont incapables de tenir l’année.”

Même chose du côté de la première année de médecine à Tours : “On est environ 1.500, et seulement 200 à 250 seront admis au concours à la fin de l’année, s’inquiète Emma. Donc tout le monde travaille à fond tout le temps, et on est nombreux à faire une prépa privée en parallèle. C’est dur de prendre le rythme au début… D’ailleurs, avant même le premier partiel de décembre, il y avait déjà 200 étudiants en moins.”

Pourtant, les étudiants qui intègrent ces cursus exigeants sont souvent des bacheliers mention bien ou très bien. “Selon moi, pour réussir dans les filières sélectives, c’est 50 % de connaissances et d’efforts intellectuels pour soutenir le niveau demandé, et 50 % de capacités d’organisation et de résistance à la pression, estime Marion. Ce n’est pas facile quand on sort du lycée de savoir comment gérer une dualité de cursus. Moi, j’avais l’économie d’un côté, le droit de l’autre, et je ne savais pas mesurer le temps que je devais passer pour chaque discipline. Le problème, ce n’est pas de travailler, c’est la perte de temps à arbitrer ce qu’on doit faire en priorité.”

En cause, des sources de stress multiples et des choix cornéliens

Ce que confirme le Dr Monchablon : “Les conditions du burn out sont, d’une part, l’accumulation de facteurs de stress, et, d’autre part, l’impossible hiérarchisation des priorités.” Le burn out des étudiants n’est donc pas identique au burn out professionnel (“on travaille trop”). Cela concerne quelques étudiants, mais ils sont rares. “Les étudiants que nous voyons dans les Relais étudiants lycéens sont des jeunes complètement dépassés par les événements, parce qu’ils ont des choix cruels à faire entre accompagner un parent malade ou un amoureux, faire face aux concours ou à un double cursus. Et c’est le fait de devoir faire des choix ‘impossibles’, c’est-à-dire qui vont pénaliser l’un ou l’autre de ces secteurs d’activité – universitaire, économique, affectif – qui va être à l’origine du burn out.”

De l’anxiété au découragement : les signaux qui doivent vous alarmer

Bien sûr, on ne craque pas sans préavis, du jour au lendemain. Certains signaux permettent de vous alerter. “Il y a deux phases, expose le psychiatre. La première est la phase de lutte, où se manifestent anxiété, irritabilité… où l’étudiant essaie encore d’être dans le contrôle des opérations. Il s'évertue à s’adapter à l’augmentation de la cadence, et il commence à modifier son mode de vie, en s’accordant moins d’heures de sommeil et de loisir. C’est cela qui va déstabiliser l’équilibre interne du jeune : quand il va renoncer au long cours, c’est-à-dire sur plusieurs mois, à son mode habituel d’existence, lequel exige que soit introduit dans l’emploi du temps un type de plaisir qui lui soit précieux.”

Vous l’avez compris, le premier conseil à suivre, est de ne pas renoncer à votre “exigence interne”, qui n’est pas la même que celle de votre voisin. “Pour certains, ce peut être la vie affective (familiale ou amoureuse), pour d’autres, une activité sportive, culturelle ou sexuelle, pour d’autres encore, Internet… Quelle qu’elle soit, c’est une activité de détente, de plaisir, qui est incontournable pour l’individu”, poursuit le médecin.

“Les lycéens n’ont pas été préparés à faire des choix, et en arrivant dans l’enseignement supérieur, certains vont tout sacrifier… Lorsqu’ils sont dans cette phase de lutte, notre travail est de leur dire qu’il faut réintroduire des soupapes dans leur vie, c’est-à-dire ce à quoi ils tiennent le plus.”

“Quand je suis sous pression, je pleure pour un rien ! Je suis incapable de relativiser”

Marion, en cinquième année de droit, voit parfaitement de quoi il est question. “Quand je suis vraiment sous pression, je pleure pour un rien ! Je suis incapable de relativiser. Par exemple, si quelqu’un qui me bouscule dans le bus, j’ai envie de pleurer en me disant ‘c’est une mauvaise journée’, alors que c’est juste un incident banal… sauf que sur le coup, on ne s’en rend même pas compte. On sent juste qu’on est fatigué, le matin, on n’a pas envie de se lever, même si on est hyper intéressé par les matières qu’on étudie. Le moindre échec scolaire, ça nous paraît être la fin de notre vie, on se dit qu’on n’arrivera à rien…”

Beaucoup d’étudiants ont l’impression que “de la sueur et des larmes” est le prix du succès… “C’est faux ! martèle le Dr Monchablon. C’est de la sueur, mais certainement pas des larmes. Quand on commence à pleurer, on est pénalisé au niveau de ses performances.”

C’est là la seconde phase qui mène au burn out : celle du découragement. “C’est la phase dépressive, on lâche prise, on a l’impression d’être dépassé, on se sent impuissant, on pleure, on devient tout à fait inefficace… Un signal d’alarme : l’étudiant n’arrive plus à faire des choix entre deux tâches contradictoires, il n’arrive plus à organiser sa journée. Il perd la maîtrise des processus”, décrit le chef de service du Relais lycéens et étudiants du sud-est parisien.

Pour contrer le burn out, nouez des liens avec vos pairs

Sélectivité de la filière, cadence du travail, choix difficiles à faire… les facteurs de vulnérabilité face au burn out sont nombreux. Mais, rassurez-vous, il existe aussi des moyens de se protéger du burn out. À commencer par cultiver le lien social. “Pour les étudiants, c’est d’abord le lien affectif familial, la façon dont on va être porté par sa famille. C’est le carburant de cette tranche d’âge, rappelle le Dr Monchablon. On ajoute à cette couche familiale la couche amicale, la couche amoureuse…” Primordiales aussi : les relations entre élèves d’une même promo. “Tous les cursus sélectifs ne peuvent être tenus à la cadence demandée que si des liens se nouent entre pairs”.

C’est d’ailleurs le point fort des prépas, comme en hypokhâgne, où il y a une telle quantité d’œuvres à lire que les élèves sont obligés de s’y mettre à plusieurs et de partager leurs fiches de lecture. “Si on arrive à fédérer des petits groupes d’amis, c’est le facteur number one pour s’en sortir ! affirme le médecin. Ce qu’on n’apprend pas, hélas, dans l’enseignement secondaire français : travailler à deux ou à trois, subir les mêmes avanies, les mêmes mauvaises notes, être soumis à la même anxiété du concours qui arrive… Dès qu’on partage ses inquiétudes, déjà, on est soulagé et on relativise. Il ne faut pas sans cesse se comparer aux autres, même si c’est sur ce mode que fonctionnent les concours.”

Un facteur clé  : une bonne ambiance dans votre classe

Un conseil qu’applique Lily, 18 ans, étudiante en MANAA (mise à niveau en arts appliqués) à l’ENSAAMA - Olivier-de-Serre, une école d’art parisienne très prisée. “Pour réussir son année de prépa, il faut savoir faire quelques sacrifices dans sa vie privée. Par exemple, je ne vais plus qu’une heure par semaine au club de sport au lieu de trois l’an dernier, je supprime souvent des sorties du week-end… Mais le facteur clé, c’est la bonne ambiance dans la classe : c’est plus sympa de travailler ou de faire des expos en groupe. Et ça permet de s’entraider quand certains ont des lacunes.”

Améliorer ses performances, c’est donc aussi augmenter son endurance en travaillant à plusieurs et s’appuyer sur le lien social. “Accorder de l’attention au domaine affectif n’entrave pas les performances intellectuelles, bien au contraire, cela contribue à la motivation, à l’équilibre, à l’entrain, à un certain bien-être. En revanche, la dépression et l’anxiété entament les capacités de concentration et de mémorisation”, met en garde le Dr Monchablon.

Attention, vous comparer, c’est échouer…

Même si ce n’est pas évident, il faut éviter d’établir des comparaisons. “On nous répète tout le temps qu’il faut être les meilleurs, à la fin, on se sent un peu obligé de se comparer aux autres”, regrette Marion, en master 2 de droit. Emma, étudiante en médecine à Tours, renchérit :  “J’ai une amie qui est complètement stressée par le classement alors qu’elle travaille sans arrêt. Il faut faire attention à ce que disent les autres et ne pas se comparer à eux, certains ne sont pas efficaces, même s’ils bossent douze heures par jour.

La solution ? “Plus la filière est sélective, plus il faut se positionner en termes de compétition avec soi, conseille le Dr Monchablon. Si on commence sa filière sélective en se comparant avec les autres, on est très mal parti. La combinaison gagnante est de se dire : ‘Je rentre dans un parcours sélectif, mon challenge, c’est de réussir le concours de médecine en un an ou en deux ans, ou de passer en deuxième année de prépa… en sachant que je ne vais pas y parvenir seul. Ce concours, ou cette année, on va l’obtenir à plusieurs. Avec deux-trois copains, on va se battre ensemble. Et ce challenge, il est vis-à-vis de moi : quelles capacités je vais déployer ?’”.

Votre motivation, votre meilleure alliée

Pour le Dr Monchablon, votre motivation va être presque plus déterminante que vos compétences. “La motivation est essentielle, est elle est articulée sur un équilibre interne, sur un degré d’ambition, et sur une adéquation entre sa personnalité et son projet. Quand on travaille dans un groupe, on se rend vite compte si on est dans la mouvance ou pas. Si on voit qu’on est le seul à ne pas partager les mêmes valeurs, les mêmes envies, peut-être qu’on peut commencer à réfléchir si on est au bon endroit, au bon moment. Si on travaille seul, on ne peut pas se rendre compte de cela. On poursuit son projet, on se compare aux autres… Ce sont les pires conditions pour parvenir à la réussite.”

Il faut donc être dans la compétition collective et non pas individuelle. “C’est bizarre de dire cela, parce qu’au concours, on est quand même tout seul… Mais ce n’est pas la même chose d’arriver dans des conditions psychologiques où on est seul contre tous, ou d’arriver lié à deux-trois copains !” souligne le médecin avec un sourire.

Faire le point avec un médecin, ça n’engage à rien

Vous vous sentez en difficulté et vous avez épuisé les ressources familiales et amicales ? Pourquoi ne pas vous confier aux professionnels de terrain ? Pour tout ce qui concerne l’organisation du travail, les priorités académiques, osez en parler à vos professeurs ou chargés de TD (travaux dirigés). “Il faut savoir avouer quand ça ne va pas, encourage Marion, en fac de droit à Paris. Ça ne veut pas dire que le prof nous mettra une bonne note si on lui rend une mauvaise copie, mais il peut nous aider à trouver des solutions si on n’arrive pas à avoir du résultat alors qu’on travaille.”

Pour un soutien psychologique, vous pouvez compter sur le personnel de santé scolaire des lycées accueillant des classes prépas, ou le SIUMPPS (Service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé). Vous pourrez discuter librement avec des personnes compétentes, qui ont une très grande habitude de voir défiler des jeunes confrontés aux mêmes difficultés que les vôtres.

En dehors des établissements, il y a les différents professionnels de la santé : votre médecin généraliste, les BAPU (bureaux d’aide psychologique universitaires), les Relais étudiants lycéens de la FSEF (Fondation santé des étudiants de France)... Pas d'inquiétude du côté financier : les consultations sont soit prises en charge par la Sécurité sociale, soit gratuites.

N'excomptez pas supporter une longue période difficile sans aide

Marion confirme qu’elle a “pas mal d’amis qui consultent des psychiatres ou des psychologues spécialisés dans la gestion du stress aux examens” et que “ça peut vraiment aider”. En effet, “on peut supporter une période difficile pendant trois semaines… mais pendant cinq ans, ce n’est pas possible ! Donc il faut savoir se dire qu’on a besoin d’aide si on n’arrive pas à s’en sortir tout seul et que la pression est trop forte.” Et si la rencontre ne vous a pas convaincu(e), n’hésitez pas à changer de professionnel. En tout cas, prenez en main vos démarches de soins, et n’attendez pas que votre famille ou un prof vous conseille d’aller consulter.

Vous avez encore un tabou à aller parler de vos problèmes psychologiques ? Franchissez le pas, vous n’avez rien à perdre ! “Il s’agit avant tout de bavarder avec quelqu’un d’extérieur et de bienveillant qui va vous aider à mieux comprendre la situation que vous subissez et à devenir acteur pour trouver des solutions. Parfois, un seul rendez-vous suffit pour vous aider à prioriser vos parcours, réintégrer une part de plaisir à vos études… Ce n’est pas une entrée dans des soins psychanalytiques qui vont durer dix ans !” rassure le Dr Monchablon.

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